Définition de CHACUN, CHACUNE

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : cha-kun, cha-ku-n' ; l'n ne se lie pas : chacun a ses passions, dites cha-kun a ses passions

DÉFINITIONS

1
Chaque personne, chaque chose. Chacun prit sa part. Chacun des assistants applaudit. Chacune de ces femmes.
Chacun fut de l'avis de M. le doyen
Ils allaient [deux rats] de leur oeuf manger chacun sa part
de Jean de LA FONTAINE dans ib. X, 1
Chacune avait sa brigue et de puissants suffrages
Chacun se disputait la gloire de l'abattre
Ce n'est pas moi qui les ai mis chacun à leur place
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Vérité de la religion.
Quatre cent vingt-six ans après le déluge, comme les peuples marchaient chacun en sa voie
Tout cela agité, approfondi, discuté et disputé entre nous deux [le duc d'Orléans et moi] nous laissa chacun dans sa persuasion
On se battait pour avoir le pillage du camp ennemi ; après quoi le vainqueur et le vaincu se retiraient chacun dans sa ville
Les abeilles, dans un lieu donné, tel qu'une ruche ou le creux d'un vieux arbre, bâtissent chacune leur cellule
Chacun des juges s'était adjugé le prix, en même temps que la plupart avaient accordé le second à Thémistocle
Les nymphes n'étaient pas inutiles : elles préparaient les autres plaisirs, chacune selon son office
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, I, p. 70
2
Au masc. d'une manière indéfinie, en parlant des hommes ou des femmes, toute personne, qui que ce soit, tout le monde, on. Chacun en parle.
Chacun voit ceux [les maux] d'autrui d'un autre oeil que les siens
Chacun en liberté peut disposer du sien [bien]
Dans le temple voisin chacun cherche un asile
Comme un point de maturité que chacun cherchait en lui-même
Chacun est prosterné Devant les plus heureux ; sont-ils dans la misère, On les plaint tout au plus....
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Dissip. V, 15
Par les richesses, l'ambitieux se peut assouvir d'honneurs ; le voluptueux, de plaisirs chacun enfin, de ce qu'il demande
Sémantique : Familièrement, au fém. Sa chacune, la femme avec qui un homme est uni.
À voir chacun se joindre à sa chacune ici, J'ai des démangeaisons de mariage aussi
Nous suivons nos désirs, et, sans pudeur aucune, Chacun comme il lui plaît avecque sa chacune
de LAFARE dans Réponse à une ball.
3
Un chacun, pour chacun, a vieilli.
Un chacun doit mourir, et la Parque felonne De ce commun devoir ne dispense personne
de GARNIER dans Antig. III
Vous recevrez les voeux d'un chacun
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans I, 197
Ce que fait un tout seul, tout un chacun le sache
Dans l'esprit d'un chacun je le tue aujourd'hui
Hautement d'un chacun elles blâment la vie
.... D'un chacun il doit être approuvé
Un chacun est chaussé de son opinion
Leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions
Voilà par sa mort un chacun satisfait
Un chacun de ces dieux faisait un Christ à sa mode
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bonté, 1
Il est vrai, à la lettre, d'un chacun de vous que vous allez être établis ou que vous l'êtes déjà pour édifier ou pour détruire
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Confér. Excell. du sacerd.
Trouveriez-vous le maître que vous servez avec tant de zèle et de valeur, équitable, si là-dessus la fidélité d'un chacun de vous lui devenait suspecte ?
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Inj. du monde.
Examinant la disposition d'un chacun

PROVERBES

1
Chacun pour soi, Dieu pour tous.
2
Exemple : À chacun le sien ce n'est pas trop, c'est-à-dire il est juste qu'on rende à chacun ce qui lui appartient.

REMARQUE

1
1. Faut-il dire : ils ont pris chacun son chapeau ; ils sont sortis chacun de son côté ; ou bien, par le possessif du pluriel : ils ont pris chacun leur chapeau ; ils sont sortis chacun de leur côté ? L'un et l'autre se disent et sont corrects : quand on emploie son, on le fait rapporter à chacun en tant que chacun est distributif : ils ont pris, (savoir) chacun (a pris) son chapeau ; leur, quand on l'emploie, se rapporte à chacun, en tant qu'il est collectif : ils ont pris leurs chapeaux, (savoir) chacun a pris le sien. À la première et à la seconde personne, chacun exige le possessif du pluriel : nous avons pris chacun notre chapeau ; vous êtes partis chacun de votre côté. À la vérité il n'y a aucune incorrection grammaticale à dire : nous avons pris chacun son chapeau ; vous êtes partis chacun de son côté ; mais cette tournure est inusitée, JULLIEN.
2
2. Chacun ne se met pas devant un nom au lieu de chaque ; on ne dit pas : il sera payé par chacun an ; mais on dit : il sera payé chaque année. Autrefois chacun s'employait avec un substantif.
La nomination de douze officiers par chacun an
de PERROT dans Tac. 92
Qu'aussitôt que chacune soeur [des trois]

HISTORIQUE

1
IXe s.
Et in cadhuna cosa
dans Serment
2
XIe s.
Pur chascun un dener
dans Lois de Guill. 6
Quant cascuns ert [sera] à son meillor repaire
dans Ch. de Rol. IV
Chaucuns portout [portait] une branche d'olive
dans ib. XI
Car chascun jour de mort il s'abandone
dans ib. XXVIII
3
XIIe s.
Chesquns huem [homme] est mençungiers
dans Liber psalm. p. 178
Chascuns est moult irez
dans Roncisv. 17
Plorent et crient chascuns de ses casez
dans ib. 18
Entre ses bras il prist chascun baron
dans ib. 98
Chascuns paiens en baissa le menton
dans ib. 128
Et chascuns d'eus inclina à Mahon
dans ib.
Dame, mar [je] vi le clair vis et la face Où rose et lis florissent chascun jour
dans Couci, X
Las ! chascuns chante, et je plor et souspir
dans ib. XII
Chascuns plore sa terre et son païs, Quant il se part de ses coraus amis
dans ib. XXIV
Faites chascun baron en sa terre envoyer
dans Saxons, VI
4
XIIIe s.
Chascuns i est couru la merveille esgarder
dans Berte, III
Et lui et ses deux fils chascun [le roi] fait chevalier
dans ib. CXXIX
5
XVe s.
Elle joue et rit à chascun
Et avoient chacuns bannieres de leurs mestiers
Quatre cents marcs d'esterlins, à payer chacun en la ville de Bruges
Si se retraist chacun vers leur ville
Chascun jour se menoit de petis marchez pour soustraire gens l'ung à l'autre
de Philippe de COMMINES dans I, 9
Ils s'en allerent chacun à sa chacune [chez soi]
de LOUIS XI dans Nouv. XXIX.
Et sur ce, s'en allerent tous, chacun en sa chacune
de LOUIS XI dans ib. XCVII
6
XVIe s.
Vien-ça chacun, je te veux faire entendre Et te monstrer la voye où tu dois tendre
de Clément MAROT dans IV, 270
Justes humains, menez joie orendroit Chacun de vous, qui avez le cueur droit, Aussi un chacun et chacune, ô Roy, t'honorera
de Clément MAROT dans IV, 297
Obligez nous bailler par chascun an deux millions d'or
Secondement que nous appliquions chacun son esprit, tant qu'il sera possible, à penser aux oeuvres de Dieu
Quant nous disons que J. C. a esté fait homme pour nous faire enfans de Dieu, cela ne s'estend pas à tout chacun
de Jean CALVIN dans ib. 364
Allons un chacun selon son petit pouvoir
de Jean CALVIN dans ib. 537
Il y a occasion de prier à chacune heure
de Jean CALVIN dans ib. 678
Voicy le carneval, menons chascun la sienne, Allons baller en masque, allons nous pourmener
Si est chascun de nous à soymesmes tesmoing Combien la France doit de la guerre estre lasse
de Joachim DU BELLAY dans ib. verso.
Chascun peult penser comme il feut relevé
de Michel de MONTAIGNE dans I, 39
Elles ont chascune des passions propres
de Michel de MONTAIGNE dans I, 97
Au veu d'un chascun
de Michel de MONTAIGNE dans I, 111
Essayons de faire nostre debvoir, chascun de son costé
Chascune de ces parts estoit telle, qu'elle pouvoit rendre à son maistre par chascun an 70 minots d'orge....
de Jacques AMYOT dans Lyc. 12
La ville de Corinthe recevoit une très glorieuse louange et benissement d'un chascun de delivrer ainsi la Sicile
de Jacques AMYOT dans Timol. 33
Tout chacun s'embesoigna aux barricades
de Vincent CARLOIX dans V, 15

ÉTYMOLOGIE

1
Chaque, et un ; bourguig. champenois et génev. chécun ; Berry, châcun ; picard cacun ; Saintonge, chaque d'yn, chaquyn ; provenç. cascun, quascun ; ital. ciascuno.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
CHACUN. - ÉTYM. Ajoutez : Chacun vient du lat. quisque unus ; mais, comme on peut voir à CHAQUE, la transformation de quisque en cha fait une certaine difficulté. Il est bon dès lors de noter la forme cheun : XIIe s.
Samuel fud juges sur le pople tute sa vie, et alad cheun an envirun Bethel, e Galgala, e Masphat
dans Rois, p. 26